Israël, au-dessus et à l’intérieur du territoire libanais. Qu’en dit le droit international ?


Le 17 octobre 2019, date qui marque pour une partie des Libanais une lueur d’espoir qui se fait dur à trouver, marque inévitablement pour d’autres l’entrée du pays dans une grave crise politique qui s’en suit une crise économique et monétaire sans précédent. Arrive ensuite la pandémie, et si la Covid-19 envahit les quatre coins de la planète elle a un gout assez particulier au pays du cèdre, lui faisant face au moyen de ses modestes et insuffisantes ressources.

Par ailleurs, et au centre du chaos général, le Liban connait quotidiennement des violations de sa souveraineté et de son territoire. En mer, dans l’air ou sur terre, le corps s’instituant au sud du Liban, que l’on appelle contre notre gré Israël, n’épargne pas une seule chance pour se manifester au mécontentement général. Ce 12 janvier dernier, un berger libanais supportait ces violations incessantes, pour être kidnappé à Kfarchouba par l’armée ennemie. « Heureusement » pour lui, la FINUL était là pour empêcher cet acte de guerre et tous les autres qui constituent des violations incontestables à la souveraineté libanaise… Et si l’Etat libanais à maintes fois dépose des plaintes auprès du Conseil de Sécurité de l’ONU, ces plaintes restent sans effet. La charte constitutive de l’ONU est pourtant claire ; ces actes répétitifs constituent sans l’ombre d’un doute une atteinte à la souveraineté du Liban et à son intégrité territoriale, respect desquels constitue un principe fondamental dont dispose le paragraphe 4 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies.1 Les violations de ces dernières dispositions poussent le Conseil de Sécurité à adopter la résolution numéro 1701, qui dispose comme suit :

« Strict respect par les deux parties de la Ligne bleue ;

  • Adoption d’un dispositif de sécurité qui empêche la reprise des hostilités, notamment établissement, entre la Ligne bleue et le Litani, d’une zone d’exclusion de tous personnels armés, biens et armes autres que ceux déployés dans la zone par le Gouvernement libanais et les forces de la FINUL autorisées en vertu du paragraphe 11 ;
  • Application intégrale des dispositions pertinentes des Accords de Taëf et des résolutions 1559 (2004) et 1680 (2006) qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban, afin que, conformément à la décision du Gouvernement libanais du 27 juillet 2006, seul l’État libanais sera autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban. »

D’un autre bord, il semblerait pertinent de rappeler que ces violations interminables forment un bel ensemble aux côtés d’autres comportements, comme la contrebande et la contrefaçon des produits libanais qui se manifeste de temps à autre dans les marchés étrangers, ou encore l’histoire, il y a quelques semaines, du troupeau de bovins volé près des frontières au niveau d’Al Wazni. Quel objectif stratégique, si ne serait-ce que Israël cherche inlassablement à défier l’Etat et intimider le peuple libanais ?

Le Liban est alors contraint à supporter des violations répétitives qui prennent parfois des formes assez originales. Le moins que l’on puisse dire c’est bien que ces actes provocateurs violent les principes du droit international et de l’Organisation des Nations Unies. A s’attacher à la question particulière de la violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale libanaise, que constitue le survol de l’armée de l’air israélienne du sol libanais, les éléments qu’apporte le droit international public quant à la question se dressent objectivement contre de tels agissements. Très tôt le siècle dernier, la question trouvait déjà une réponse à la convention de Paris de 1919, qui dans son article 1er dispose que « les hautes parties contractantes reconnaissent que chaque puissance a la souveraineté complète et exclusive sur l’espace atmosphérique au-dessus de son territoire » ; et même si ni l’Etat libanais, ni Israël, adhèrent à cette convention, les dispositions de cette dernière vont être ensuite reprises pour constituer les principes essentiels du droit de la navigation aérienne en droit international mais également au regard de la plupart des droits nationaux. L’affaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. États-Unis d’Amérique) portée devant la CIJ, quant à elle, permet également d’avancer au problème initial des éléments de réponse. Dans son arrêt du 27 juin 1986, la CIJ affirme que l’État est libre de réglementer et même d’interdire le survol de son sol, et que tout survol non autorisé constitue une atteinte à la souveraineté territoriale de l’État sous-jacent. Au regard de ces textes, et surtout suite au traçage de la ligne bleue après la guerre de juillet 2006, on comprend que toute tentative d’immixtion dans le territoire libanais est condamnable au regard du droit international public, d’autant plus par la décision 1701 du conseil de sécurité.

Israël, et en dépit de tous ces textes, a l’audace – il faut le dire – de justifier son comportement hostile et ses violations régulières du droit international par la légitime défense. Israël ignore peut-être les conditions pouvant qualifier de tels actes comme s’inscrivant dans le cadre de la légitime défense. La légitime défense est en effet conditionnée par la commission de l’Etat dont on viole la souveraineté et l’intégrité territoriale d’une agression armée.2 Le moins que l’on puisse dire de la position que tient Israël est une position faible au sens du droit international, et que ces agissements sont bien fautifs.

Passer sur les dispositions du droit international et relever le caractère injustifiable des actes commis au quotidien par Israël nous porte à nous poser des questions quant à l’efficacité des normes internationales dans la pratique. Une question légitime se pose alors, celle de savoir si le droit international public est réellement impuissant, ou si le Conseil de Sécurité de l’ONU ne peut être qu’à plat-ventre devant les agressions israélienne contre la souveraineté du Liban. L’inertie internationale se caractériserait-elle par une impuissance face à Israël et les États qui se rangent derrière, notamment ceux qui se proposent être les garants de la sécurité mondiale et se livrent à des comportements dignes du titre de gendarmes du monde ?


Amani Kazan
Amani Kazan

DSP1

In politics nothing happens by accident. If it happens you can bet it was planned that way.
– FDR


  1. Article 2, Paragraphe 4 : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »
  2. Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.